Va porter ce message et dire que la vie,
Au-delà du caveau, reprend toujours ses droits,
et que tout recommence quand même tout finit :
Naître, mourrir, renaître et vivre, telle est la loi…


Archange Raphaël

 

 
   

Oh ! Vous, dont le cœur est trop lourd, vous que la tristesse écrase, vous qui désespérez, acceptez ce message d'amour pour y puiser le réconfort intense :

Une femme, un jour, rêvait qu’elle marchait sur la plage et que Dieu l’accompagnait. Ils avançaient et elle voyait leurs pas s’imprimer sur le sable humide.
Dieu lui dit :
« Mon enfant, sache qu’à tout instant, j’ai été, suis, et serai près de toi. »

Ils avançaient et elle parlait à Dieu de sa vie passée, de sa vie présente en égrenant les souvenirs douloureux, pesants et tristes ou joyeux et heureux, et elle se rendit compte tout à coup, presqu’effarée, que pendant ces périodes de joie qu’elle décrivait, elle voyait quatre traces de pas enfoncés dans le sable, alors que dans ces périodes tristes où son cœur avait été déchiré, où elle avait souhaité la mort en demandant à Dieu de lui épargner cette souffrance, et où la révolte avait grondé dans son être, elle ne voyait plus que… deux pas.

- « Comment, Seigneur, » dit-elle, « ne m’avais-tu point dit que tu serais près de moi à tous les instants de ma vie ? »
- « Oui, enfant, » répondit Dieu, « je te l’ai dit, mais tu n’as point compris…
Vois-tu, enfant, dans ces périodes fastes de ta vie, j’étais près de toi, tu voyais quatre pas ;
mais sache, enfant, que dans ces instants trop lourds où ton être ne pouvait plus que se traîner dans la révolte et la souffrance,

je te portais… »

Archange Raphaël
Ephphata p.247

 

 

 

La souffrance…

Lorsque la mort frappe, il semble que Dieu et la destinée se confondent dans cette suprême douleur parce que Dieu, vainement imploré, paraît rester sourd à nos prières tandis que la destinée nous accable. Ces heures de fortes épreuves qui nous terrassent momentanément, devraient faire éclore nos progrès de nos douleurs, car la loi de la réincarnation nous donne l'explication de ces moments où l'ouragan qui passe a tout dévasté, comme elle nous donne l'explication de faits qui ont révolté et révoltent encore : la souffrance d'enfants et -ou- leur mort prématurée.

Saint Augustin ne pouvait concilier la justice et l'amour de Dieu avec les souffrances de ces enfants qu'il considérait innocents de tout péché, souffrances qui se prolongeaient souvent jusqu'à leur mort, et nous voyons quotidiennement des réactions de révolte souvent nées de l'incompréhension de ces morts d'enfants très jeunes. C'est par la loi de la réincarnation que nous découvrons que ces souffrances et ces morts peuvent être une expiation de vies antérieures.
Méditons ce passage d'Ephphata, et acceptons de comprendre à travers ce message donné avec amour par l'Archange Raphaël :
« Ah ! la souffrance !… J'entends quotidiennement pleurer sur cette souffrance des êtres et des bêtes.
Pourquoi la souffrance ?
Pourquoi dis-tu :
“Pourquoi Dieu accepte-t-Il que la souffrance soit ?”
Ah ! amis, vous qui êtes Spirites, que ne vous appuyez-vous sur les enseignements qui vous ont été donnés en acceptant de temps en temps l'évidence de ces épreuves que chacun a choisies !
Que de vies dont on n'a pas su tirer l'essence bénéfique !
Que d'erreurs que l'on n'a pas voulu éviter !
Que de drames que l'on a volontairement provoqués !
Dettes ! dettes que tout cela et qu'il faut, un jour hélas, payer avec intérêt.

Des enfants meurent, et leur vie, étouffée par le froid, s'est arrêtée dans les mains de mères déchirées et tremblantes.*
L'épreuve est là, amis, épreuve pour ces mères, fin d'une vie pour eux.
Souvent, amis, l'Esprit ne se réincarne que pour un court laps de temps qui lui permettra de terminer une vie qu'il avait tranchée de ses mains, et l'enfant meurt.

Souvent, amis, l'Esprit se réincarne pour être l'épreuve cinglante et déchirante d'où l'être pourra tirer la substance de son élévation et le rachat de ses fautes passées.

Qu'ont fait ces mères qui pleurent aujourd'hui dans une autre vie ?… Ah ! si elles pouvaient voir le sang qui coulait entre leurs doigts !…

Triste, triste pour des cœurs humains qui ne voient et qui ne comprennent que dans les limites étriquées de l'existence terrestre !

Non, Dieu ne permet pas la souffrance au sens d'autoriser le mal, car Dieu est bonté ;
Dieu n'accepte pas de mettre dans les cœurs, la haine et la méchanceté car Dieu est bonté et amour, mais Dieu est justice et demande à chacun l'effort de se juger lui-même. Mais, comme l'être humain n'acceptera jamais ce jugement de soi, il doit subir des épreuves qu'il choisit en toute conscience d'Esprit.

Ah ! la souffrance… Un mot qui déjà broie les cœurs de son étau ; la souffrance… un mot qui siffle et comme une langue de feu brûlante s'insinue en vous.
Répétez ce mot : “souffrance…”, il a déjà ce prolongement qui n'en finit pas de se faire comme la souffrance n'en finit pas de déchirer.

Quelle est la souffrance la plus terrible ?
Est-ce la souffrance des corps torturés ou est-ce la souffrance des âmes déchirées ?…
Toute souffrance est terrible, toute souffrance abat et terrasse, toute souffrance détruit,
mais toute souffrance élève et toute souffrance réhabilite… »


*
Ce message a été donné après lecture d’un article de presse exposant les crimes perpétrés dans le monde. Cet article expliquait que dans un goulag sibérien ordre avait été donné à des mères de laver leurs enfants à l’extérieur malgré le froid intense. Pour les protéger elles les avaient enveloppés de papier mais les enfants avaient succombé au froid. La lecture de ce passage avait révolté une partie de l’assistance qui exprima son émotion devant toutes ces souffrances et ses doutes quant à la bonté d’un DIEU qui permettait de telles horreurs en laissant mourir de pauvres petits êtres innocents.


 

La souffrance nous offre, hélas, quotidiennement un spectacle difficile et éprouvant, et c'est vrai, nous nous sentons trop souvent impuissants devant elle.
Nous voyons également trop souvent des mères dénaturées, tortionnaires, martyriser leurs enfants avec cruauté ; spectacle horrible et navrant mais dans une autre vie, les victimes de ces cruautés n'ont-elles pas été elles-mêmes coupables de semblables forfaits ?
Par ailleurs, comment comprendre sans la loi de la réincarnation, la haine et la répulsion que certaines mères ou certains pères éprouvent pour le fruit de leurs entrailles, le fruit de leur chair ?…


Des exemples…

J'ai eu de nombreux témoignages de ces faits qui peuvent, sur un plan humain, sembler horrifiants.

Productrice et animatrice d'émissions sur l'Au-delà et le Spiritisme, je reçus un jour à l'antenne l'appel d'une jeune femme, Michèle, qui m'expliqua que, mère de trois enfants très jeunes, elle avait une relation difficile avec sa fille aînée alors âgée de six ans, qu'elle avait l'impression de détester et -elle l'avouait- qu'elle battait souvent plus qu'elle n'aurait dû le faire. Elle ne comprenait pas ce qui la poussait à s'acharner ainsi sur Isabelle alors qu'elle avait une tendresse immense et une patience à toute épreuve pour les deux autres enfants âgés respectivement de quatre et deux ans.

Tandis que la maman s'exprimait, des clichés me parvenaient dont je lui donnais détail. Je décrivis une fillette aux longs cheveux châtain clair, aux très beaux yeux noisette dont le regard flou, éteint, pouvait laisser présager un handicap mental.
Je voyais cette enfant, embarrassée dans ses gestes, marcher difficilement ; je la visualisais se débattant avec un vêtement qu'elle ne pouvait mettre ; puis… dans une succession rapide, d'autres scènes se surajoutaient. Je voyais cette même enfant complètement transformée, ayant retrouvé une totale liberté d'action, enfiler un costume espagnol, danser et virevolter puis… retomber dans son apathie. Je la voyais prendre des couverts, tâter les pointes de cuillers qu'elle jetait violemment à terre, de fourchettes qu'elle mettait de côté, de couteaux qu'elle ne conservait que s'ils étaient pointus et tranchants. Puis, je la voyais se servir de ces couteaux pour ouvrir le corps d'une poupée dont elle avait auparavant cogné la tête contre un mur. Je demandais à Michèle ce que ces images pouvaient avoir de fondé et lui demandais également si elle était d'origine gitane.
Un long silence embarrassé suivit mes paroles puis la réponse se fit. Complètement bouleversée, Michèle tint à attester la véracité des détails que j'avais donnés sur Isabelle, en en confirmant tous les points ; elle expliqua que la fillette était effectivement incapable de parler, de marcher, de s'habiller, qu'elle ne pouvait d'ailleurs avoir une scolarité normale et qu'à six ans, elle ne savait ni lire ni écrire. Elle précisa qu'aucun des médecins qui avaient suivi l'enfant n'avaient pu expliquer ses sautes d'humeur et ses imprévisibles comportements qui restaient pour eux un mystère. Isabelle était en effet soudainement et effectivement capable d'aller prendre, dans son armoire, un costume d'Espagnole que sa tante, domiciliée en Espagne, lui avait offert et ses gestes devenaient comme par enchantement assez précis pour s'en vêtir rapidement puis planter dans ses longs cheveux le grand peigne qui complétait l'ensemble. Ensuite, ainsi vêtue, elle se mettait à danser en se contemplant dans un miroir et ce, jusqu'à ce que, de nouveau, elle retombât dans son apathie première.
“Oui, Isabelle recherche les couteaux les plus pointus et les plus aiguisés” me dit-elle “et elle a éventré plus d'une poupée dont elle a souvent éclaté la tête en la cognant très fort sur un mur.”
“Dans ces moments” ajouta-t-elle, “j'ai envie de la battre et surtout envie de lui cogner à mon tour la tête sur le mur sur lequel elle a jeté sa poupée. Je me fais horreur, mais c'est plus fort que moi !… Que puis-je faire ?…
Oui, tout ce que vous dites est vrai, sauf un point : je ne suis pas de souche gitane ; cependant, je dois avouer qu'Isabelle est fascinée par les campements gitans que nous voyons souvent installés dans la périphérie de notre ville, comme elle est d'ailleurs fascinée par leur musique…”

J'étais pourtant sûre de ce que j'avais avancé, d'autant plus certaine, que j'avais la vision d'autres scènes : je voyais une princesse gitane d'une grande beauté, dansant et excitant le désir et la rivalité de deux hommes qu'elle poussait ainsi à se battre jusqu'à ce que mort s'en suivît. Elle veillait pourtant à interrompre le combat pour s'offrir au vainqueur sous les yeux du mourant qu'elle achevait ensuite au poignard. Triomphante de ce jeu sanguinaire, elle s'éprit un jour d'un adolescent qu'elle désira passionnément mais qui se refusa à elle. Blessée dans son amour propre, prise de colère, elle le tua en lui cognant violemment le côté gauche de la tête contre un mur.

Comme il me fallait décrire ces scènes à Michèle et lui expliquer qu'elle avait été cet adolescent sacrifié par celle qui, aujourd'hui, était cette fille à laquelle elle aurait dû donner attention et amour, je la priais donc de me recontacter. Incrédule mais cependant intéressée et, dois-je le dire, curieuse, elle voulut aller plus avant dans les investigations, et à sa demande, je commençais un travail spirituel sur la relation de ce passé lointain au difficile pressent ; ce travail amena Isabelle à une évolution qui lui permit de s'intégrer dans une scolarité normale, et il commença par ailleurs, à avoir pour conséquence l'apaisement des éléments de violence de Michèle qui voulait cependant des preuves qui ne tardèrent d'ailleurs pas à lui être données.

Michèle, orpheline très jeune, avait été élevée par sa grand-mère qu'elle visitait régulièrement aux vacances.
Pâques arriva, et le rituel voyage à Montpellier s'accomplit.

Une nuit, je reçus un appel de Michèle qui, très excitée, tenait à s'excuser d'avoir rejeté comme horrifiante la pensée d'être de souche gitane. Elle avoua qu'elle avait été obligée de considérer les choses plus objectivement lorsqu'en rangeant la bibliothèque de sa grand-mère, elle avait trouvé par hasard -mais le hasard n'est-il pas un mot humain pour expliquer l'inexplicable ?…- coincé derrière une étagère et oublié depuis longtemps, un petit livre écrit au siècle dernier par un médecin qui expliquait que beaucoup d'enfants gitans avaient sur le corps, à la naissance, des marques bleuâtres qui pouvaient disparaître à la croissance. Isabelle était née avec une marque ronde et bleuâtre sur la région lombaire et son frère avait, en naissant, une trace similaire sur l'aine et la cuisse.
Troublée, Michèle avait questionné sa grand-mère et son arrière grand-oncle sur ses origines -origines dont elle ne s'était jamais inquiétée jusque-là- et il lui avait été révélé que ses aïeux étaient des gitans qui, installés d'abord aux Saintes-Maries-de-la-Mer, s'étaient définitivement établis à Montpellier.
Elle était impatiente de me donner plus de détails et souhaitait tenter à son retour une expérience dont pourrait dépendre le suivi des choses.
Ce qui fut fait.

A son retour, nous tentâmes donc cette expérience.
Isabelle qui m'était très attachée vint un jour m'embrasser et se blottir contre moi pour un câlin. Je lui rendis bien sûr son baiser et lui demandais d'embrasser également sa maman.
Nous avions convenu au préalable que celle-ci présenterait au baiser de sa fille, le côté gauche de son crâne. Isabelle hésita un moment avant de s'approcher de sa mère, puis elle se hissa sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres sur le visage de Michèle qui se détourna rapidement, présentant ex abrupto à l'enfant le côté gauche de sa tête.
Réaction immédiate d'Isabelle dont les yeux exprimèrent l'horreur puis une violente colère et le geste suivit : elle saisit le visage de sa maman et, le tournant avec force, posa un baiser sur sa joue droite puis se recula, tremblante de rage contenue.

L'expérience renouvelée plusieurs fois eut des résultats identiques jusqu'au moment où un travail spirituel adéquat s'étant poursuivi, Isabelle finit par embrasser normalement sa mère et Michèle accepta de comprendre que seuls ces liens karmiques difficiles étaient la cause de cette haine éprouvée, de cette antinomie destructrice.

De la compréhension née de l'analyse, de la réflexion et de l'acceptation allait s'engager en elle ce combat intérieur pour repousser, après avoir nettoyé ce plan, ces souvenirs d'un passé trop lourd parce que trop douloureux.
Michèle put enfin accepter de regarder sa fille avec les yeux de l'amour, et elle accepta ce faisant, de redonner sa réelle place à cette enfant qu'elle pouvait alors appeler "ma fille" non avec des mots froids et vides de sens, mais avec la tendresse vibrante d'un amour enfin affirmé…

Isabelle est aujourd'hui une belle jeune fille, un peu limitée pourtant, car le karma -qui n'est pas d'une rigidité absolue- place néanmoins des barrières que l'on peut déplacer mais que l'on ne peut retirer, et elle est intégrée dans une vie normale tant sur un plan familial que social. Par son évolution, elle a prouvé que les lumières voilées d'un passé lointain peuvent devenir les projecteurs qui éclairent les scènes d'un présent retrouvé et éclaireront les scènes de devenirs sereins et heureux.

 

 

 

 

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Gérard de Nerval

 

 

 

J'ai connu Christine lorsqu'elle venait d'avoir seize ans. Enfermée dans un autisme qui ajoutait son drame à celui d'un corps difforme, à un strabisme prononcé, à une démarche difficile car ses jambes étaient torses, elle n'avait que très peu de contacts avec les autres car isolée dans son monde. Si elle marchait difficilement, elle se comportait de même, car elle était coléreuse et têtue.
Elle ne s'exprimait que par cris ou onomatopées, ne con naissant que deux mots : "attends" et "ya" qu'elle prononçait d'une voix gutturale accompagnant ce "ya" d'un geste d'acquiescement de la tête. Elle ne se laissait approcher par personne et opposait la fuite à tout contact.

Avant de connaître Christine j'avais souvent pu remarquer que même dans les cas extrêmes d'handicap profond, l'individu conserve une sensibilité qu'il peut vivre silencieusement et douloureusement ou exprimer de différentes façons ; Christine ne réagissait-elle pas -corroborant ce faisant ce constat- à l'attitude moins que charitable de ceux qui, en la croisant, se permettaient de se moquer et de s'esclaffer, en la suivant du regard et en clamant sans vergogne que “le zoo avait ouvert les cages de ses singes !…”

Lors de notre premier contact -je ne possédais à ce moment-là que les quelques détails que sa mère avait bien voulu me donner sur son comportement- Christine me regarda puis, poussant de grands cris, se jeta à terre ; c'est ainsi que j'appris, la première émotion passée, que cette réaction traduisait une grande joie et une acceptation de mon contact. Effectivement, dans les instants qui suivirent, Christine prit ma main sur laquelle elle appuya sa joue en "chantonnant" (est-ce le terme adéquat ?) trois notes : “La, la, la !…”
La maman expliqua que cette chanson embryonnaire revenait sans cesse comme un leitmotiv et qu'elle était arrivée à la conclusion que ces notes pouvaient représenter les premières mesures d'une chanson du folklore auvergnat qu'elle avait l'habitude de lui jouer au piano. Je possédais un orgue, et elle voulut immédiatement démontrer sa version des faits en prenant Christine à témoin. Mais la fillette s'énerva, arrachant du clavier les mains de sa mère, et chose extraordinaire et surprenante pour une enfant aussi embarrassée dans ses gestes, se mit à jouer avec rapidité et… virtuosité une mélodie harmonieuse. Elle le faisait en me regardant et en chantonnant son "La, la, la…" avec d'autant plus d'insistance et d'impatience que nous ne comprenions pas. Comme elle commençait à devenir un peu violente, je tentai de la calmer en imposant mes mains sur sa tête et en lui parlant. Ce faisant, j'entendis la voix de mon Guide expliquant que ces notes fredonnées par Christine étaient les premières mesures d'un passage très particulier d'une œuvre de Franz Lehar "la Veuve Joyeuse". Il précisa que je devais interpréter cette valse, cette "Heure exquise" qui était, je dois l'avouer, le seul thème que je connaissais de cette opérette, et poussée par une force incontrôlable, je le jouais à l'orgue en le fredonnant. L'effet fut immédiat et stupéfiant : Christine, complètement calmée, tête inclinée sur l'épaule, souriait doucement, ravie ; mains croisées sur le cœur, elle écoutait attentivement et des larmes commencèrent à couler de ses yeux, roulant sur ce visage qui, tout d'un coup empreint de douceur, s'était illuminé d'une joie extraordinaire qui la rendait presque belle. Saisie, je cessai de jouer. Christine réagit de nouveau : “La, la, la !…” Impérativement, elle demandait et attendait, impatiente, que résonnassent de nouveau ces notes qui l'enchantaient.

Tout allait trop lentement à son gré ; elle prit mes mains d'un geste ferme, les posa sur le clavier en redisant son "la, la, la" d'un ton autoritaire. Je m'exécutai, et nous eûmes la surprise de voir Christine relever la tête, regard perdu dans le vague, et pianoter de ses deux mains sur son front en poussant des soupirs entremêlés de gémissements, réaction qui nous semblait être la traduction d'une impossibilité à se souvenir !…

Au cours de ce premier contact, je fus tout à coup transportée "en voyance" au siècle dernier et je ressentis très précisément l'atmosphère d'un jour d'hiver, glacial et brumeux d'une ville enneigée que je contemplais à travers les vitres d'une fenêtre à petits carreaux. Dans la pièce où je me trouvais, un homme couvrait fiévreusement de notes des feuilles de papier qu'il lui arrivait de froisser, pensif, et de jeter à terre ; dans le même temps, je perçus des bribes de phrases musicales, de mélodies.
Des clichés se succédaient ; je le vis monter dans un fiacre qui s'éloignait ; je le vis entrer dans des boutiques, présenter une partition qui semblait être refusée.
Je ressentais le découragement de cet homme, découragement né du sentiment d'échec de ses tentatives infructueuses et désespérantes…
Je vis la façade d’un grand bâtiment que je pensais être celle d'un théâtre ou d'un opéra, et de nouveau revenaient ces mêmes scènes de refus d'une partition qui lui tenait à cœur. Refus ou réticence ?…
Il me semblait que l'œuvre était déconsidérée car inhabituelle, et suscitait méfiance et réserves…
J'entendis des bribes de conversations dans une langue étrangère inconnue de moi -de l'allemand peut-être- puis, curieusement, en surimpression, le nom de Paris et associé à ce nom, la vision de l'homme triomphant, acclamé, de l'homme qui, ayant accompli ses espoirs voyait sa musique enfin acceptée et reconnue, la musique de sa… "Veuve Joyeuse".
En alternance de ces scènes, je revis la pièce où travaillait le musicien ; dans cette pièce, une jeune femme, très belle, brodait au tambourin, impassible, seulement attentive aux points de sa broderie, indifférente à l'homme, indifférente aussi au bébé très légèrement vêtu qui reposait dans un berceau près de la fenêtre ouverte. Je remarquai que par le froid pourtant glacial, le bébé n'était pas recouvert d'une couverture, et en un fondu enchaîné rapide, je vis une servante supplier cette femme hautaine de l'autoriser à fermer la fenêtre, ce qui lui fut refusé, puis je la vis présenter en pleurant le corps du bébé qui venait de mourir, à la belle indifférente, qui ne lui jeta qu'un regard rapide et froid et se remit à broder.
Que signifiait tout ceci ? J'espérais qu'un contact répété et plus étroit avec la fillette apporterait confirmation de ces "voyances". Ces occasions me furent données car la maman qui souhaitait trouver une solution à son problème et qui semblait vouloir l'évolution de l'enfant, me l'amena souvent, me la confiant même lorsqu'elle partait en voyage, ce qui ravissait Christine qui me témoignait une immense affection ; affection réciproque car ma relation avec elle était devenue importante et je dois avouer qu'au sentiment de pitié des premiers instants avait succédé une tendresse infinie pour cette enfant un peu rejetée et particulièrement attachante.

Ces séjours répétés me permirent d'aider spirituellement, davantage encore, la fillette dont le comportement contradictoire surprenait sans cesse ceux qui l'approchaient : en effet, elle ne savait pas se moucher, mangeait salement, bavait et s'essuyait le nez ou les lèvres sur son avant-bras car elle refusait de se servir d'un mouchoir ou d'une serviette ; pourtant, on la découvrait tout autre dans ces moments imprévisibles où elle voulait, pouvait et savait tout à coup se servir, sans erreur, d'un couteau, d'une fourchette et où elle s'essuyait délicatement la bouche en tamponnant simplement ses lèvres avec la serviette qu'elle avait réclamée à grands cris ; elle qui, passant outre aux observations, passait son temps, jupes relevées, inconsciente de l'incorrection de ces attitudes, retrouvait parfois le geste de pudeur qui la poussait à tirer sa robe et tentait de cacher ses genoux pour tenter de couvrir ses chevilles. Dans ces moments où, selon le mot de sa mère, elle se comportait en "femme du monde", elle souriait et s'exprimait posément dans ce langage bizarre et incompréhensible qui était le sien, langage fait de sons dans lesquels certaines personnes retrouvaient des mots à consonance germanique, des mots allemands déformés, semblant interroger et réagissant à bon escient d'ailleurs aux paroles adressées par un signe de négation ou un signe d'acquiescement de la tête, signes d'acquiescement qu'elle accompagnait de ce "Ya" guttural auquel nous étions maintenant habitués.

Où trouver une explication à cette dualité surprenante et troublante ? Certes pas dans l'éducation reçue car Christine qui était plus imprégnée des instincts et des caractères physiques de l'animalité, n'était chez elle jamais reprise, jamais corrigée, jamais rattrapée, et la maman, dépassée par les événements, reconnaissait ne jamais avoir essayé de lui inculquer quoi que ce fût comme elle avouait avoir isolé Christine à l'autre bout de leur grand appartement. Seule explication possible : la réincarnation qui avait imprime dans la mémoire profonde de l'enfant ces souvenirs de gestes passés que la mémoire du temps découvrait et recouvrait comme la marée recouvre et découvre les rochers. Forte de ce constat, je tendis mes efforts à ouvrir plus largement les portes fermées sur ce passé lointain pour faire progresser Christine et lui permettre de vivre plus humainement. A la grande joie de sa maman, l'enfant évoluait, reconnaissant des objets, des images, prononçant des mots nouveaux. Au fil du temps, nous découvrîmes une Christine attentive, souriante, capable de quelques initiatives, capable d'adoucir sa colère, sa violence…
Elle devint coquette, ne réagissant plus violemment comme elle le faisait aux soins de sa toilette, choisissant même son eau de toilette.
Elle avait de très beaux cheveux bruns, frisés, et elle manifestait sa joie lorsque je la coiffais. Elle était ravie de porter les vêtements nouveaux que je lui offrais et avait l'habitude d'ouvrir les fenêtres pour contempler son reflet dans les vitres.

Christine avait une informe poupée de chiffon au torse troué, amputée d'un bras et complètement chauve, à laquelle elle tenait beaucoup et dont elle ne s'était jamais séparée depuis son jeune âge. Cette poupée était si pitoyable que, croyant bien faire, je lui en offris une autre. Lorsque je la lui donnai, elle l'a prit, la regarda, sourit, puis la posa dans mes bras et sans un mot alla chercher son "bébé". Elle ne devait d'ailleurs plus jamais toucher à cette nouvelle poupée, mais par contre donna plus de soins encore à la sienne. Elle la couchait avec une tendresse infinie, la couvrait et elle n'était jamais aussi heureuse que les jours de repassage qui lui permettaient de trier et de choisir dans les linges et vêtements repassés les tissus les plus tièdes, les plus doux, les plus satinés qu'elle arrangeait avec précaution sur sa poupée quelle que fût la température extérieure.
Elle réagissait avec colère lorsque j'ouvrais la fenêtre de sa chambre et la refermait violemment puis, allait immédiatement s'assurer que son "enfant" n'avait pas eu à souffrir du froid. La poupée était l'objet de ses attentions permanentes. Je dus un jour, partir en déplacement pour un long voyage. J'avais préparé sur la banquette arrière de la voiture une couche pour Christine pensant qu'elle pourrait dormir pendant ces longues heures de nuit. Mais il n'en fut rien : elle resta éveillée toute la nuit pour veiller sur sa poupée qu'elle avait installée, tête sur le coussin, drap et plaid soigneusement bordés, réagissant avec fureur pour me faire refermer la vitre que j'avais ouverte pour aérer la voiture. Quel étrange comportement !… Sa mère, questionnée, fut embarrassée et ne put donner d'explications car Christine -dont elle constatait les progrès constants- n'avait jamais agi ainsi.
Que signifiait tout ceci ?…
Je retrouvais dans l'attitude de Christine ces gestes que le karma amène à avoir : un bébé mort par le froid au début du vingtième siècle et maintenant une petite "maman" attentive et acharnée à couvrir et à couvrir encore, à protéger du froid, du moindre courant d'air une poupée de chiffon, et avec des gestes d'une tendresse et d'une douceur infinies ! Et ce, toujours en fond à travers le temps, cette mélodie lancinante. Les personnages de ce passé et du présent semblaient liés étroitement. Aidée par des amis, nous tentâmes de retrouver des éléments sur la vie de Franz Lehar puisqu'il ne pouvait à mon sens s'agir que de lui. Difficile de retrouver des éléments de sa vie privée, mais confirmation me fut donnée des difficultés que Lehar avait rencontrées pour faire accepter cette musique composée pour un livret d'opérette en français. Je décidais de faire entendre l'opérette à Christine mais il nous fut impossible d'en trouver le disque. Nous ne trouvâmes qu'un pot-pourri de valses parmi lesquelles figurait une interprétation de cette "Heure Exquise".

Première expérience : Christine ravie, écoutait, simplement attentive, mais fait troublant, réagit avec les mêmes gestes que je lui avais vu faire lors de notre première rencontre, quelques fractions de secondes avant les premières mesures de la célèbre valse. Cette première expérience assez probante -car comment avait-elle pu reconnaître ces notes tant aimées- nous incita à aller plus loin dans la démarche puisque j'avais entre temps pu trouver une version allemande intégrale de l'opérette interprétée par l'orchestre philharmonique de Berlin sous la direction d'Herbert von Karajan.
Christine, à genoux, assise sur ses talons, écoutait toujours aussi ravie, se balançant d'avant en arrière, tête levée, regard rempli de douceur, transfigurée…
Elle écoutait, attentive, et tout d'un coup, applaudissait ou éclatait de rire.

Et nous dûmes, troublés, nous rendre à l'évidence : Christine applaudissait quelques fractions de secondes avant que ne crépitassent les applaudissements de la salle ; elle riait de même avant que ne fusassent les rires, ceci en un parcours sans faute, sans décalage, immuablement. Nous entendions, comme Christine, cette opérette dans son entier pour la première fois et je dois avouer que, sensibles à la musique, il nous était impossible, ne connaissant pas le livret et ne parlant pas l'allemand, de suivre les péripéties de l'opérette. Nous attendions avec impatience et avec une curiosité anxieuse le moment imprévisible pour nous, où retentiraient les premières notes de la célèbre valse.
Comment Christine allait-elle réagir ? Allait-elle le faire par anticipation comme pour l'enthousiasme et les rires ?… L'opérette, ponctuée par les rires et les applaudissements de Christine, déroulait ses mélodies et ses dialogues lorsque tout à coup nous la vîmes se pencher, laisser courir ses doigts sur le sol comme sur un clavier, puis rejeter la tête en arrière en pianotant sur son front, et ce, avec la virtuosité et le même cri déchirant qu'elle avait eu en entendant la valse à notre premier contact.
Dans le même temps, les premières mesures "d'Heures Exquises" se firent entendre.
Coïncidence ?… Hasard ?… Cela ne pouvait être.
N'était-ce pas plus sûrement l'écho d'un passé lointain qui faisait résurgence par bribes lorsque la mélodie immortelle, allait déchirer le voile ?…

J'ai suivi Christine pendant quelques années ; elle avait acquis une nouvelle sérénité et retrouvé une autre "personnalité" et bien qu'encore enfermée dans l'isolement inéluctable d'un lourd karma, elle avait franchi les étapes d'un devenir qui devait la conduire à ce plafond d'évolution qu'elle avait, en tant qu'Esprit, placé avant de se réincarner, en fond de son chemin terrestre.

Le temps a passé… la vie semble décider trop souvent des chemins des êtres : je n'ai pas revu Christine qui -je l'ai pourtant appris- a continué à rêver avec émotion, aux accords de sa valse. Puisse-t-elle, en retrouvant son passé lointain, avoir compris et terminer triomphante et sereine, son transit terrestre…

 

 

 

 

Tu refermeras tes fenêtres ouvertes sur la nuit des ombres,
et tu chercheras la lumière afin que jamais ne sombre ce frêle esquif qui est le tien…

Archange Raphaël

Toutes les fleurs de l'avenir sont dans les semences d'aujourd'hui

Proverbe chinois

 

 

Alors que j'abordais un soir à l'antenne le thème troublant du "karma" avec, bien sûr, l'habituelle participation des auditeurs en direct, une jeune femme me posa la question suivante :
“Le karma est-il rigide et immuable, ou Dieu permet-Il aux êtres de reconsidérer leur destin quand ils sont sur Terre, même si, je crois l'avoir compris, ils ont eux-mêmes choisi ce destin dans l'Au-delà, avant de revenir sur Terre ?”

Elle précisa qu'elle souhaitait le savoir car son frère, Marc, était handicapé physique profond et elle était très malheureuse de cette situation. Un médium lui ayant dit sans autre explication que c'était un problème karmique, elle souhaitait savoir si Marc pouvait rattraper tout ou partie de ce karma pour ne pas finir sa vie d'une manière aussi tragique. Ayant entendu parler de l'aide que je pouvais apporter, elle me suppliait d'aider ce frère qu'elle aimait tant à dépasser les difficultés de ses jours.
Tandis qu'elle s'exprimait, des images, des flashes rapides s'imposaient à moi, images d'un autre temps, d'une autre époque : deux cavaliers semblaient s'affronter ; l'un d'eux, homme d'une quarantaine d'années, puissant, violent, aux cheveux noirs, portant une moustache épaisse, joues barrées de pattes, battait le cheval d'un adolescent terrifié ; la bête se cabrait sous la douleur, désarçonnant le garçon qui fut jeté à terre où il resta étendu, immobile. Etait-il mort ou très gravement blessé ? Je ne pouvais voir que ce corps étendu mais j'entendis la voix de mon Guide m'incitant à avoir un entretien hors antenne avec cette auditrice car il me fallait tenter de retrouver dans le présent des faits qui auraient pu corroborer mes clichés. Je lui décrivis son frère en transposant sur lui les détails observés dans cette scène passée, et lui demandai si son frère portait moustache et s'il aimait les chevaux. Elle répondit catégoriquement par la négative à ma première question mais en avouant cependant qu'elle reconnaissait bien son frère dans la description que j'en faisais. Elle fut par contre très ironique en répondant à ma deuxième question pour me rappeler d'un ton péremptoire que son frère était handicapé. “Vous devez confondre” me dit-elle “il ne s'agit pas de chevaux mais d'une ânesse qui a été offerte à Marc lorsqu'il était enfant.”

Elle proposa de m'adresser une photo de Marc, photo que je reçus quarante-huit heures plus tard et qui représentait -je n'eus aucune surprise ! - un garçon handicapé aux cheveux bruns, moustachu et joues barrées de pattes épaisses. Cette photo était accompagnée d'un mot d'excuses expliquant qu'elle avait été prise un an plus tôt, au cours de vacances que Marc avait passées en Bretagne, et qu'à cette époque, il avait tenu -cela avait alors été considèré comme une lubie- à garder moustaches et pattes qu'il devait d'ailleurs faire raser par la suite. La jeune femme concluait sa lettre en disant qu'elle avait effectivement, lors de notre entretien, farouchement nié ces faits car trop bouleversée par la précision de ce que j'avançais.

Je pus constater que Marc ressemblait en effet beaucoup, c'était vrai, à mon personnage passé, mais cette étrange similitude de traits n'était pas pour me surprendre car j'étais trop habituée à la véracité de mes messages ; et c'est sûre de mes conclusions, sûre que Marc avait été dans une autre vie ce personnage odieux, que je décidai de lui apporter pour notre première rencontre le portrait d'un cheval, celui d'un des cracks de l'époque.

Marc était paraplégique et, peu capable d'articuler, de s'exprimer, il était assez isolé de sa famille car, représentant une trop lourde charge, il avait été placé dans un foyer pour handicapés où je le rencontrais enfin. J'avais bien sûr apporté mon tableau, prête s'il le fallait à reconnaître mon erreur d'interprétation.

En entrant dans son studio, je constatais que les murs étaient tapissés de posters de chevaux, et sa sœur, très gênée, expliqua -elle ne pouvait plus le nier- qu'en fait Marc était tellement passionné qu'il avait même tenu à visiter le Salon du cheval qui venait de se tenir à Paris.
Très gênée, elle reconnut avoir menti, et tandis que Marc essayait de tenir de ses pauvres doigts tordus ce tableau qui semblait le combler de joie, elle crut bon d'expliquer, comme pour se justifier, que Jacqueline l'ânesse, avait été offerte à Marc par le propriétaire d'un haras de la région car le père de Marc lui avait permis de récupérer une pouliche qui s'était échappée et avait pouliné dans un de ses champs. Marc aurait voulu garder ce poulain auquel il s'était tout de suite attaché, mais hélas ! Jacqueline le remplaça !… Elle expliquait, et Marc qui était très vite intervenu, réagissait en soufflant et en se passant la main en travers du front, comme pour dire qu'il ne s'était jamais consolé de ne pas avoir eu le poulain, et il sembla apporter au tableau offert une attention plus grande encore.

Un contact de sympathie venait de s'établir avec cet être un peu sauvage, mais, ô combien sensible. Cette amitié naissante me permit de commencer un travail spirituel qui amena Marc à retrouver plus de calme.
Il commença à pouvoir saisir des objets, à porter bien que maladroitement, une timbale à ses lèvres ; il disciplina ses mouvements et bien que ne comprenant pas cette évolution rapide, les responsables du foyer commencèrent à envisager de lui donner un fauteuil électrique que ses gestes saccadés et nerveux ne lui avaient, jusque-là, jamais permis d'avoir.

Au cours de ces séances de travail, je fis la remarque que Marc devait être en antinomie avec un membre de la famille qui, à mon sens, avait été un des protagonistes du drame passé.
« Non, il est au mieux avec nous !… » me répondait-on invariablement, jusqu'au jour où, à force d'insistance -car il fallait dénouer ce nœud karmique- je reçus un appel téléphonique de la maman qui voulait me rencontrer pour une mise au point. L'entretien que nous eûmes vint apporter l'éclairage que j'attendais depuis tant de temps.
“Vous aviez raison” me dit-elle, “mais comment pouvions-nous avouer et reconnaître que depuis la naissance de Marc, mon père a détesté cet enfant et a été souvent violent avec lui. Nous avons pensé qu'il vivait mal l'handicap du petit, mais des faits étranges se sont produits dont nous n'avons bien sûr jamais fait état. Plus Marc manifestait d'attachement à nos chevaux -car mon mari possède plusieurs chevaux de course- plus mon père devenait violent, montrant la haine qu'il en avait, et il lui est arrivé de fouetter si violemment et sans raison quelques unes de nos bêtes que nous avons dû lui faire suivre une thérapie qui n'a d'ailleurs donné aucun résultat ; plus Marc, qui était très attaché à son grand père, manifestait de la tendresse à son égard, plus mon père le repoussait.
J'ai beaucoup réfléchi depuis que ma fille m'a rapporté vos premières explications, et moi qui ne voulais rien admettre, je dois conclure : Marc a-t-il été ce cavalier violent qui a semé le drame et mon père ne serait-il pas l'enfant qui l'a vécu ?…”

Mais oui, la boucle était bouclée…

Nous n'avons pas pu, hélas, amener le vieillard à la compréhension des faits, et même si nous avons réussi à calmer ses gestes de violence envers de pauvres bêtes, je n'ai pu lui faire comprendre que cette rancune venue du fond des temps devait cesser de prendre pour cible ce petit-fils qui semblait, par une attitude de tendresse constante, apporter la preuve des regrets et des remords de sa conduite passée.

Les choses ont continué ainsi. Marc a, par son comportement, dépassé positivement l'épreuve, car emmuré sans révolte dans son handicap, il a assumé le rattrapage de ses gestes destructeurs d'une autre époque…

Je ne vois plus Marc depuis longtemps mais je ne l'ai pas oublié et j'ai quelquefois de ses nouvelles. Il a fait, bien que toujours emmuré dans son handicap, de grands progrès qui enchantent sa famille, et il est, m'a-t-on dit, toujours aussi attiré par les chevaux…
Je pense à lui, et j'espère qu'au terme de son chemin terrestre, il pourra, retrouvant des gestes passés, prendre en mains et tenir fermement les rênes d'une monture fougueuse qui le mènera enfin vers d'autres lumières.



Les événements et faits décrits dans ce livre sont rigoureusement exacts ; mais, pour des raisons évidentes, les noms de certains lieux et de certaines personnes ont été changés. Dans ce cas, toute ressemblance avec des noms réels ne serait donc que fortuite

 

 

la souffrance…