Chapitre V…



 


Alan Kardec
et son époque…

 


1848, année effervescente…

   
   


En 1848, le 22 février, étudiants et ouvriers déclenchent l'insurrection. Deux jours plus tard, Louis-Philippe abdique ; les républicains forment un gouvernement provisoire.
Le 2 mars, le gouvernement limite la journée de travail à 10 heures à Paris, et instaure le suffrage universel. Le 23 avril, élection de l'Assemblée constituante. Victoire des républicains pour lesquels a voté M. Rivail.
Le 4 mai, la République est proclamée.
Le 22 juin, contre la fermeture des ateliers nationaux, les ouvriers se soulèvent. Quatre jours plus tard, l'insurrection est écrasée.
Le 12 novembre, la constitution de la IIe République est proclamée.
Le 10 décembre, Louis-Napoléon Bonaparte est élu président.


Toujours en 1848, un jeune homme de 20 ans, écrivait sa profession de foi. Il sortait du séminaire de Saint-Sulpice après un séjour à Saint-Nicolas-du-Chardonnet ; il rejetait déjà tout ce qu'on lui avait enseigné, principalement le dogme qui faisait du Christ l'égal de Dieu…
– « Tout cela, » se disait-il, « ne tient pas debout. Il faut tout reprendre, tout repenser, tout remplacer. » Il était prêt à aller beaucoup plus loin que Luther et Calvin, qui avaient restauré cette antique Trinité dont il n'est nullement question dans l'Evangile.

Ce nouveau contestataire venu de la très catholique Bretagne s'appelait Ernest Renan. Son livre s'intitulait « l'Avenir de la science » ; rédigé en 1848-1849, il ne parut qu'en 1890, deux ans avant sa mort.
Religion vraie, religion naturelle, dépouillée de rites et uniquement centrée sur Dieu, c'était bien celle dont allait bientôt parler Kardec…

…Origène avait déjà affirmé au IIIe siècle :
– « En toute âme se trouvent le sens spirituel et l'image de Dieu. » Décidément l'évolution de l'humanité est très lente, que de reculs ! Que de stagnation !


En 1890, un autre jeune homme de vingt-cinq ans, alsacien, protestant, étudiant à la faculté de théologie de Strasbourg, commençait à douter de l'enseignement de l'Eglise luthérienne concernant La Trinité et l'assimilation totale du Christ à Dieu. Finalement, il renonça au pastorat et au professorat de théologie. Vers la trentaine, il entreprit des études de médecine pour fonder en 1913 l'hôpital de Lambaréné. Il s'appelait Albert Schweitzer. Lui aussi aspirait à une religion naturelle et au royaume de Dieu, et sa foi pouvait se résumer en ces mots qui surgirent en lui : respect de la vie, respect de toute vie, qu'elle soit humaine, animale, ou même végétale.






L'année 1848 fut cruciale pour Auguste Comte, disciple de Saint-Simon, négateur de toute métaphysique et de toute religion. Pour le punir, on lui retira le cours d'astronomie qu'il donnait depuis dix-sept ans à la mairie du IIIème arrondissement. Fait plus grave, l'institution Laville, où il était professeur, dut fermer ses portes. Comme il avait déjà perdu ses deux postes de répétiteur et d'examinateur à l'École polytechnique, il se trouva sans ressources. Sur le plan sentimental, c'était aussi le naufrage : deux ans auparavant la jeune femme dont il était éperdument et platoniquement amoureux s'était éteinte après une interminable maladie qu'on était à l'époque incapable de nommer et de guérir… Désespéré, le fondateur du positivisme ne croyait ni en Dieu, ni à l'Esprit et encore moins aux Esprits. La seule survivance qu'il admît était le souvenir dans la mémoire des Hommes.
Dès lors, il vécut retiré en son petit appartement du 10 rue Monsieur-le-Prince, ne lisant plus les journaux, ne recevant que quelques rares disciples qui lui apportaient de quoi vivre.
Auguste Comte mourut en 1857.






Infatigablement, Léon Rivail continuait à chercher Dieu. Il le cherchait de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée et de toute sa force ; surtout de toute sa pensée. Sa quête depuis longtemps ne passait plus par les religions, il en voyait trop les contradictions, les erreurs et les faiblesses. Par son côté évangélique et rationnel, le protestantisme le satisfaisait, mais Luther et Calvin demeuraient trinitaires. Quant au catholicisme, il n'en était plus question.






Entre-temps, la France était redevenue une république et, par un de ces coups de tête dont elle était coutumière, avait -ô l'imprudente- confié ses destins à Louis-Napoléon Bonaparte. Le prince, revenu au bercail à la faveur des événements de 1848, se fit élire à l'Assemblée constituante.
Il avait des idées socialistes, il était attentif aux problèmes des ouvriers et des paysans, il avait écrit un livre sur « L'Extinction du paupérisme », il faisait dans la modestie et la modération. Et voici que dans leur journal, « L'Événement », Victor Hugo et ses fils font campagne pour lui, ils le proclament « l'élu du génie et du peuple ».


 Toujours sensible à la légende napoléonienne et redoutant toujours le péril rouge, le « cher et vieux pays » choisit, le 10 décembre 1848, comme président de la IIe République, le prince Louis-Napoléon. Il est élu par cinq millions et demi de suffrages contre moins d'un million à son principal adversaire.



 

 

 

 
 
Allan Kardec et son époque…