Chapitre II…



 


Alan Kardec
et son époque…

 


 J'ai vu les monts de l'Helvétie…

   
   


C'était l'année où le jeune Léon allait avoir dix ans, M. Rivail, qui voulait que son fils échappât à l'éducation réactionnaire dispensée désormais, décida de l'envoyer en Suisse romande, à Yverdon, au bord du lac de Neuchâtel. C'est là qu'il ferait ses études sous la direction de Jean Henri Pestalozzi, l'un des pédagogues les plus renommés d'Europe.

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Pestalozzi, qui avait établi son école dans l'ancien château des ducs de Zähringen, était la gloire d'Yverdon, au même titre que ses boîtes à musique. Il eut une grande influence sur la réforme de l'enseignement de Rousseau, il appliquait les méthodes de l'Émie : plus d'études contraignantes, plus de menaces de sanctions ; la discipline devait faire place à l'autodiscipline. L'esprit de l'enfant devait s'épanouir en toute liberté. Apprendre devait être un plaisir.


N.d.l.r.
 Au Brésil, la fondation Pestalozzi est très importante et très efficace… les établissements scolaires sont régies, aujourd'hui encore, par les mêmes "lois" : Apprendre doit être un plaisir… et ceux qui ne peuvent payer les cours, les reçoivent gratuitement sans distinction de race, de religion… des cours très complets, dans des classes -où sont dispensés des cours de physique, de chimie, d'astronomie et d'anatomie par exemple- très bien équipées ;

 des salles de musique avec de nombreux pianos et autres instruments mis là à la disposition des élèves, des salles de sports modernes… etc. etc.


Le rénovateur de la pédagogie accordait une grande importance à la libre expression, aux randonnées en montagne, aux travaux manuels, à l'observation de la nature ; il voulait que ces jeunes exercent leurs mains, leurs sens et leur regard en même temps que leur cerveau.

[...]

Contrairement à la gymnastique suédoise, rigide, formaliste et conventionnelle, Hébert préconisait la marche en forêt, le trot, la course, la lutte, la natation, toutes les activités spontanées de l'homme primitif.






« Les hommes ne sont point faits pour être entassés en fourmilières, mais épars sur la terre qu'ils doivent cultiver. Plus ils se rassemblent, plus ils se corrompent. Les infirmités du corps, ainsi que les vices de l'âme sont l'infaillible effet de ce concours trop nombreux. »

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« Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine, continue Rousseau. Au bout de quelques générations, les races périssent ou dégénèrent ; il faut les renouveler, et c'est toujours la campagne qui fournit à ce renouvellement. Envoyez donc vos enfants se renouveler pour ainsi dire eux-mêmes, et reprendre au milieu des champs la vigueur qu'on perd dans l'air malsain des lieux trop peuplés. »
Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine !






…le succès du mal, du Malin et des malins, décourage les hommes de bonne volonté et risque de les précipiter dans l'incroyance.
Et le vicaire savoyard, porte parole de Jean-Jacques Rousseau, de Pestalozzi et du futur Allan Kardec, poursuit, inspiré :
– « Je me dirais : tout ne finit pas, par nous, avec la vie ; tout rentre dans l'ordre, à la mort.

[...]

Quand l'union du corps et de l'âme est rompue, je conçois que l'un peut se dissoudre, et l'autre se conserver. Pourquoi la destruction de l'un entraînerait-elle la destruction de l'autre ? Au contraire, étant de natures différentes, ils étaient, par leur union, dans un état violent ; et quand cette union cesse il rentre tous les deux dans leur état naturel : la substance passive est morte. Hélas ! je le sens trop par mes vices, l'homme ne vit qu'à moitié durant sa vie et la vie de l'âme ne commence qu'à la mort du corps. »
Cette mort que tous les mystiques appellent : l'entrée dans la vraie vie. C'est ainsi que très tôt, le jeune Rivail entendit parler des problèmes que soulève le Grand Passage…

[...]

En tant que catholique, il était persécuté par les gamins protestants, qui le traitaient de mômier et de papiste. Il en souffrit beaucoup, mais il n'alla pas se plaindre à son maître, qui ignora toujours ces vexations.

[…]

L'excellent Pestalozzi ne voyait jamais le mal : pour lui, comme pour Jean-Jacques, l'homme était foncièrement vertueux, il suffisait de faire confiance à sa nature. C'est ainsi que les portes du château de Zähringen, où il avait établi son institut, n'avaient pas de gardien et demeuraient toujours ouvertes, les emplois du temps étaient aménagés de façon à rendre très agréable le programme scolaire. En principe, dix heures de cours par jour, mais chaque leçon durait cinquante minutes aussitôt suivies d'une récréation. On comptait comme leçons : les travaux manuels, la gymnastique, le jardinage, les promenades botaniques et la baignade dans le lac de Neuchâtel. Les maîtres d'internats que l'on pouvait tutoyer étaient très jeunes et partageaient tous les loisirs de leurs élèves.

[...]

La pédagogie de Pestalozzi ignorait les notes, les récompenses et les sanctions. Le système fonctionnait sans accroc pour la bonne raison que la plupart des élèves provenaient de pays spontanément disciplinés : Suisse, Angleterre, Allemagne, Autriche et pays scandinaves. Quand, à son tour, Léon Rivail devint directeur d'établissement, il ne suivit pas son maître dans son naïf angélisme et rétablit les bons points, les bulletins scolaires, les sanctions et la distribution de prix. Yverdon était devenu l'Ecole modèle pour toute l'Europe.

[...]

...Tous revinrent émerveillés jusqu'au réformateur socialiste Robert Owen qui se déclara satisfait ; jusqu'à Johann Gottlieb Fichte, qui déclara dans ses « Discours à la nation allemande » prononcés en 1808 à Berlin :
– « La réforme de notre éducation publique doit prendre comme point de départ les méthodes d'Yverdon. C'est de l'Institut de Pestalozzi que j'attends le salut de l'Allemagne. »






Ce long séjour du jeune Rivail en pays protestant eut au moins l'avantage de lui donner une bonne connaissance de la Bible. Je rappelle qu'à l'époque, en France, et encore au début du XXe siècle, il fallait une autorisation spéciale de son directeur de conscience pour pouvoir se plonger dans cet Ancien Testament qui n'est pas à mettre entre toutes les mains.
Pestalozzi était enchanté de l'acharnement au travail, de son élève, de sa vaste intelligence et de sa valeur morale. À plusieurs reprises, il lui demanda de lui succéder à la tête de son Institut, mais Rivail désirait retourner en France.



 

 

 

 
 
Allan Kardec et son époque…