Chapitre I…



 


Allan Kardec
et son époque…

 


 Ce siècle avait quatre ans…

   
   


Dès que l'on aborde un problème spirituel, c'est un feu d'artifice de clichés ; est-il question de protestants, aussitôt surgissent les adjectifs sérieux, austères, moralisateurs, qui aujourd'hui ne sont pas des compliments. S'agit-il de musulmans, on a droit à fatalisme, fanatisme, refus de dialogues ; accusations que leurs intégristes s'emploient à justifier. S'agit-il de spiritisme, l'écho répond : tables tournantes.
Or, déjà à l'époque d'Allan Kardec, elles étaient démodées et Pierre Larousse dans son grand dictionnaire du XIXe siècle, pouvait écrire : « Elles ont fait leur temps. Comme tant d'autres choses, elles ont eu quelques jours de vogue, et personne aujourd'hui ne s'en occupe, même à titre d'amusement. »
C'était d'ailleurs l'avis de Kardec : « Le spiritisme a eu son point de départ, en France, dans le phénomène vulgaire des tables tournantes ; mais comme ces faits parlent plus aux yeux qu'à l'intelligence, qu'ils éveillent plus de curiosité que de sentiments, la curiosité satisfaite, on s'y est d'autant moins intéressé qu'on ne les comprenaient pas. Il n'en a plus été de même quand la théorie est venue expliquer la cause. »
C'est-à-dire quand le Professeur Rivail en eut tiré une philosophie, une mystique, et même une religion laïque. « Les gens sérieux ont accueilli la nouvelle doctrine comme un bienfait, et dès lors, loin de décliner, elle a grandi avec une incroyable rapidité. »

[…]

Ces lignes concernant Kardec ont été reproduites par Pierre Larousse qui, chose étrange, fit entrer Kardec de son vivant dans le monument qu'il venait d'édifier. C'était une consécration, mais l'article n'est pas tendre… « Lorsque M. Rivail entendit parler des tables tournantes, des prétendues manifestations des esprits frappeurs et des médiums, il crut voir apparaître une science nouvelle et contribua à répandre, en France, cette funeste épidémie de supranaturalisme qui fit tant de ravages dans les esprits en Amérique et en Europe pendant une dizaine d'années. »

[...]

Dans le supplément, édité par Mme veuve Pierre Larousse, l'auteur de l'article « Kardec » veut ressusciter M. Rivail. « Avant de se perdre dans les folles chimères du spiritisme, M. Rivail avait été chef d'Institution et il avait composé quelques ouvrages élémentaires faits avec soin. »

[...]

Au XXe siècle, le Grand Larousse encyclopédique de 1973 ne parle plus de tables devenues folles, mais d'un aspect peu connu de notre grand homme : « Pendant de longues années, il eut l'ambition d'unifier les croyances. En 1854, il assista à des séances spirites et s'y adonna complètement. Chargé par l'un des Esprits d'une mission : "fonder une religion vraiment grande, belle et digne du Créateur", il se consacra à son apostolat. »






Cent cinquante ans plus tard, on attend toujours cette religion unique et univoque. Et celles qui existent sont toujours divisées, hostiles, mesquines, empêtrées dans l'intégrisme, le formalisme et les dogmes défiant la raison. Toujours indigne du Créateur.






C'est donc à Lyon, au 76 de la rue Sala, que, le 3 octobre 1804, naquit Hippolyte Léon Denisard, fils de Jean-Baptiste Rivail, juge, et de Jeanne Duhamel, son épouse.






C'est aussi une nation bourgeoise et romantique ; les contemporains et les frères spirituels de Kardec se nomment Georges Sand, née comme lui en 1804, et qui partagea tant de ses idées ; Gérard de Nerval né en 1808, Théophile Gautier en 1911, Victor Hugo en 1802, Balzac (1799), Vigny (1797), Lamartine (1790), Charles Nodier, leur ancêtre commun (1780).
Tous ces mystiques, ébranlés par la Révolution, ont rêvé de cette religion, belle, universelle, et d'une société fraternelle en harmonie avec la nature et avec l'esprit. Tous furent déçus et reportèrent sur le XXe siècle leurs espérances brisées. On sait aujourd'hui ce qui est advenu et ce qu'il en reste.



 

 

 

 

 
 
Allan Kardec et son époque…