Si ton frère vient à t’offenser, reprends-le ;
et si sept fois le jour il t’offense et que sept fois il revienne à toi
en disant : «  je me repens », tu lui pardonneras.

LUC - Livre 17, versets 3 et 4.

   
       
   

Le ciel, que les nuages souvent obscurcissent, retrouve toujours la pureté lumineuse et le bleu intense où les regards cherchent l’offrande d’espoir et de paix tranquille.

Vous souvenez-vous, amis, de ces sombres nuits d’hiver, où, dans le fracas des éléments déchaînés, l’obscurité envahissante et glacée oppressait vos cœurs et refroidissait vos corps ?
La pluie, la neige, le froid, le tonnerre grondant et les éclairs terrifiants s’abattaient sur la terre immobile qui attendait passivement ces manifestations de violence en frémissant.

Mais, amis, vous dont les corps fatigués et transis de froid avez cherché le toit amical, le refuge, le havre de paix, la chaleur et la tranquillité douillette, vous, amis, avez laissé en entrant, sur le seuil de cette maison, où la chaleur du foyer réchauffait vos âmes, ces angoisses de l’obscurité et de la tempête ; et, blottis dans ce confort, rassérénés, calmes, il vous était doux d’écouter la pluie frapper les vitres dans un crépitement rageur, comme voulant tout briser pour vous poursuivre et vous atteindre ; et vos cœurs légers semblaient narguer la tempête qui faisait rage et les éclairs, le tonnerre qui déchirant les nues, semblaient se précipiter pour détruire et tuer.
La tempête, amis, était là, dehors, et le havre de paix baigné de tiédeur et d’amour la défiait du creux de sa coquille.

Havre de paix et d’amour...
Le cœur aimant, les mains qui se tendent en un geste affectueux vous offrent ce havre de paix ; l’élan d’un cœur que seule la tendresse habite, vous entourera de cette coquille pour vous protéger des assauts de cette tourmente qui se déchaîne.
Laissez, amis, cette tourmente hors des murs ; laissez, amis, le tonnerre grondant et les éclairs fulgurants loin de ce havre de paix. Ne laissez pas, amis, la pluie cinglante et froide, la bourrasque de neige et le vent tourbillonnant éteindre les flammes qui dansent dans ce foyer, en vous réchauffant.
Fermez, amis, les portes et les fenêtres à ce tumulte, à cette dévastation.

Regardez, amis, regardez le spectacle déchirant des terres recouvertes de cette boue noire et gluante, des jardins où rien ne résiste et où les fleurs décapitées par les assauts rageurs d’un vent déchaîné laissent leurs pétales tomber et voler, pour ne rester que tiges dérisoires et inutiles dressées vers le ciel, comme l’élan angoissé d’une âme qui appelle et à qui rien ne répond.

   
 

Ne laissez pas, amis, se détruire pétale après pétale,
la fleur de votre tendresse.

   
   

Ô vous dont les vies parfois ressemblent à ces tempêtes dévastatrices, ressemblent à cette désolation que les éléments déchaînés ont apportée, courez, courez loin de ces lieux détruits, sans vous retourner, courez sur ce chemin plein d’ornières, plein de trous profonds où l’eau stagne, glacée, et gicle sur vos chairs ;
courez, mais courez pour aller plus loin, chercher, par-delà le temps et l’espace, par-delà les distances, le pays de douceur où, sous l’azur d’un ciel toujours pur, sous la caresse rafraîchissante d’une brise, dans la douceur des lieux et la tendresse des êtres, vous trouverez ce rayon de soleil qui, en réchauffant vos cœurs et vos corps, fera renaître en vous, fera revivre en vous, ce germe d’espoir, ce germe d’amour, et vous saurez, amis, que cet amour, alors, sera né des cendres froides et sera sorti de la dévastation destructrice, ô combien, de la haine et de la terreur, de l’angoisse et de l’orgueil.

Amis très chers, que n’écoutez-vous, une fois seulement, l’appel venu d’en haut qui vous dit :
« Posez vos armes, ouvrez vos cœurs, ouvrez vos bras et tendez les mains. Acceptez le geste d’offrande à faire, fermez vos âmes à ces élans de haine, à ces assauts de la colère, à ce vouloir de destruction. Tendez vos vies et vos élans vers cette tendresse infinie et vibrante où dans la gerbe irisée et chatoyante du don vous pourrez puiser le bonheur et la paix. Puisez, amis, dans cette gerbe, pour offrir une fleur d’amour, une fleur de pardon, une fleur de charité et un bouquet affectueux de compréhension. »
La lame ne doit plus étinceler sous les rayons ou la lumière. Remettez au fourreau, amis, cette épée que vous vous plaisez à brandir dans un geste vengeur, remettez au fourreau, amis, ces lames froides qui, aveugles, pénètrent les chairs et rougissent la terre.

Comme l’enfant, ayez le courage de lever des yeux remplis d’amour vers ces êtres que vous aimez, acceptez de reconnaître vos erreurs envers ces êtres que vous aimez.
Vous obligez, amis, l’enfant dont la faute a été grande à demander pardon, et l’enfant honteux, les larmes dans la voix, le cœur battant à tout rompre, le rouge au front, s’avance, et timidement, en balbutiant un peu, des sanglots plein la voix, répète :
« Je te demande pardon d’avoir été méchant...
je ne le ferai plus... »
Il a osé, amis, et le cœur brusquement soulagé, il attend angoissé, sans oser lever les yeux, le verdict de sanction ou… d’amour qui pénalisera ou… pardonnera ; et son petit visage enfin se lève vers l’être puissant qui le domine, en quémandant ce mot d’amour qui effacera son erreur et lui prouvera qu’enfin il n’est plus coupable et que sa place est là, toujours, au fond de ce cœur qui, il l’ignore, ne bat pourtant que pour lui.

Ayez le courage de l’enfant, amis, et osez dire non plus à l’être qui domine mais à l’égal qui est là près de vous :
« Pardon, ami, pardon ; je reconnais mes torts et mon cœur angoissé attend ton verdict. Fais, ami, qu’il ne soit qu’un verdict d’amour et de pardon, car la sanction détruirait mon être. »

Ah ! amis, l’humilité est grande dans ces moments-là, et l’orgueil, l’orgueil blessé n’accepte pas bien souvent ce geste, cet échange, cet espoir.

Regardez-vous droit dans les yeux, dans ces instants où la haine gronde en vous, et cherchez par-delà le masque convulsé de rage, le souvenir du visage ami et du regard confiant et doux qui enchantaient vos heures et réchauffaient vos cœurs.

Tristes, ô combien tristes sont ces échos de guerre que nous percevons, tristes, désolants et tragiques.

Je ne voudrais pas, amis, vous ennuyer par des demandes réitérées d’élans d’amour, de fraternité et de tendresse, mais je voudrais tellement ouvrir pour vous cette porte obstinément close qui vous sépare du jardin vert et frais où le murmure des eaux, la fraîcheur des cascades, la douceur de l’air, la senteur des fleurs et le chant des oiseaux pourraient apaiser la brûlure de vos fronts et adoucir vos chagrins dans l’enivrement profond et exquis de la tendre beauté.

J’ai ouvert pour vous ces portes ; à vous de savoir si vous voulez que vos pieds foulent l’herbe fraîche et douce, ou si vous voulez que vos pas vous ramènent vers les ténèbres obscures où les dangers cachés attendent sur ces chemins où les pierres tranchantes et invisibles ouvriront de nouvelles plaies à vos pieds fatigués.

Gardez confiance, amis, gardez confiance car les jours jamais ne se ressemblent et la douceur des heures suivra un jour l’horreur du drame.

 

Raphaël Archange
extrait du livre Ephphata
médium : marcelle olivério