Qui peut voir sous le masque blanc et rouge du clown couler les larmes ?
Qui peut deviner derrière les plaisanteries jetées en pâture à un public avide, le désarroi profond d’un cœur déchiré ?

Il danse, il saute, il tombe,
et les gens rient, applaudissent :
« Bravo, bravo, bravo... »,
et chaque bravo retentit en lui
comme l’écho d’une souffrance nouvelle.
Alors, pour oublier, pour ne plus penser, pour s’évader, il va saisir avec une pirouette, une cabriole, un dernier geste qui déchaînera l’hilarité générale, le saxo qui va lui permettre dans l’envol de notes mélodieuses et déchirantes de laisser échapper la plainte de son âme ; et alors, il oubliera les gens, il oubliera les rires, il oubliera sa souffrance, car il pourra enfin exhaler le cri de sa peine… et la tête levée, le saxo dressé, il lancera vers Dieu l’appel silencieux de son cœur meurtri et nul ne saura que ces notes qui s’envolent en ravissant l’auditoire ne sont que les sanglots désespérés d’un cœur perdu...

Cherche, ami, le saxo qui te permettra de faire sortir ta peine...

 

Raphaël Archange
extrait du livre Ephphata
médium : marcelle olivério