Les Évangiles apocryphes

Présentations

 
Écrits Apocryphes
   

Michel Quesnel

Les Evangiles apocryphes
A côté des Evangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, existent d’autres récits chrétiens antiques sur Jésus, qui ne furent pas retenus dans le canon des Ecritures. On les appela « apocryphes », termes qui signifie « secret, caché », car l’ Eglise s’en méfia, et ils eurent une diffusion bien moindre que les quatre autres.
…Plusieurs qui n’ont pas été conservés ne sont connus que par des citations très fragmentaires des Pères de l’Eglise. Rédigés dans le courant du IIème siècle, deux méritent une mention spéciale : l’évangile de Pierre et celui de Thomas. De l’évangile de Pierre, on ne possède qu’un fragment important retrouvé en 1884 à Akhmim en Egypte ; il décrit la résurrection de Jésus en train de se produire (ce que les Evangiles canoniques ne font pas). L’autre, l’évangile de Thomas, dont une version copte fut retrouvée à Nag Hammadi en 1945 aussi en Egypte, est composé de cent quatorze paroles de Jésus dont plusieurs se retrouvent sous une forme voisine dans les Evangiles canoniques…

Michel Quesnel

 

Le Nouveau Testament
Ce que nous appelons le “Nouveau Testament” est une collection de vingt-sept livres -au départ non sacrés- dont la liste mit longtemps à se fixer. Les premières traditons chrétiennes eurent pour contenu la prédication des apôtres après la résurrection de Jésus de Nazareth. Ils s’appuyaient sur les écritures juives que l’on lisait au cours de la prière synagogale et qu’ils interprétaient comme annonçant la mort et la résurrection du Messie-Roi d’Israël, identifié par eux à Jésus.
En même temps, les apôtres rappelaient les faits, paroles et gestes de leur maître, et on les gardait soigneusement en mémoire. Rappelons que la composition exacte de la Bible juive n’était pas fixée au début du 1er siècle. Mais on s’entendait sur la liste des principaux rouleaux qui la constituaient à savoir les cinq rouleaux de la Loi ou Torah, les rouleaux des grands et petits prophètes, et celui des psaumes.
Saint Paul, jadis persécuteur des chrétiens, devint à son tour, témoin de la Résurrection. Il fonda des Eglises, et entre 50 et jusqu’à sa mort, entretient avec elles une correspondance. Comme c’était aussi l’époque où les disciples de la première heure commençaient à disparaître et qu’on ne voulait rien perdre de leur témoignage, on mit par écrit les traditions dont ils étaient garants. C’est ainsi que les écrits évangéliques virent le jour, le premier rédigé étant celui de Marc écrit aux alentours des années 70. Avec ses récits et les épîtres de Paul, une littérature chrétienne prenait corps mais qui ne bénéficiait pas encore d’un statut d’Ecriture comme c’était le cas des Ecritures juives.
L’idée d’un canon des Ecritures chrétiennes se fit jour dans le courant du IIème siècle. Elle s’inspira de la fixation du canon des Ecritures juives qui lui est antérieure. En effet, ils durent réagir à la montée du christianisme qu’ils considéraient comme une secte déviante. Comme les chrétiens prêchaient à partir des Ecritures juives, les rabbins juifs délimitèrent le canon de leurs Ecritures : ils excluèrent plusieurs rouleaux de la “Septante” sur lesquels s’appuyaient la prédication chrétienne. Peu après, l’Eglise connut des problèmes analogues. Dans un monde chrétien très composite, des groupes particuliers que l’on n’appelait pas encore “hérétiques” s’écartèrent de la doctrine tel le marcionisme -Marcion en était le fondateur- qui fut le premier à élaborer un canon c’est-à-dire à choisir ses ouvrages de référence et en exclure ceux qui ne correspondaient pas à ses pensées : il sélectionna l’Evangile de Luc et les Epîtres de Paul. S’inspirant de l’idée de Marcion, l’Eglise fut, elle aussi conduite à composer sa propre sélection.
Justin, écrivant à Rome vers 150, témoigne du fait qu’on lisait les « Mémoires des apôtres » ; Peu avant l’an 200, Irénée, évêque de Lyon, donne la liste de quatre auteurs Marc, Matthieu, Luc et Jean, dont les écrits constituent la « Bonne Nouvelle » ou Evangile, au singulier. Le Nouveau Testament fut officialisé dans le courant du IVème siècle. La canonisation des textes s’accompagna d’une “standardisation”.

La question du canon chrétien rebondit dans l’Eglise au moment de la “Réforme”. Luther mit en question l’autorité de l’un des vingt-sept livres : l’Epître de Jacques” et tenta même de l’exclure du canon. Les catholiques publièrent la liste du canon officiel des Ecritures choisies par elle -Ancien et Nouveau Testament- au concile de Trente en 1546.

Michel Quesnel

   
     
   

France Quéré

Des paroles de Jésus “oubliées” par les Evangiles canoniques, une histoire de la Vierge Marie à laquelle l’Eglise, sans toujours citer ses sources, donnera une grande importance théologique, l’agonie de saint Joseph, l’enfance agitée de Jésus, les récits détaillés de son procès, de sa passion et de son séjour chez les morts, tels sont les évangiles apocryphes.
Quel intérêt présentent-ils ? Réminiscences de faits authentiques ? Rêveries populaires ? Documents historiques sur la piété des trois premiers siècles ? Témoignages sur l’émergence et les spéculations des sectes primitives ? Les apocryphes répondent “oui” à toutes ses questions.
[…]
Il n’est pas dit non plus que l’écrivain apocryphe ne se sente plus interprète qu’auteur. Les mentalités du second siècle sont ainsi faites : des présences invisibles les hantent. La notion d’individualité s’estompe un peu sous l’influence de ces anges et ces démons qui guident les actions terrestres. Quant à l’inspiration, si communément invoquée dans l’Ecriture sainte, elle n’a rien d’une métaphore : ce n’est pas moi qui écris, mais un autre, l’Esprit, ou le Conseil des apôtres demeurés vivants parmi nous, et je ne suis que leur porte-plume. Et le titre rend hommage à ces secrètes tutelles.

Et voilà pourquoi ils sont apocryphes !
Ces écrits depuis longtemps ne menacent plus la tradition. Ils gênent un peu, à jeter ainsi le soupçon sur des origines chrétiennes que l’on croyait pures. Charles Mopsik écrit : « les Apocryphes révèlent le fond de l’âme chrétienne. » Pas vraiment jolie, la décence voulant qu’elle ne soit pas trop connue, on a étouffé ces livres indiscrets.
Alors pourquoi leur trouvons-nous de l’intérêt ?

Evangiles apocryphes… voilà des mots qui pointent cornes et griffes. A l’évidence, le diable s’en mêle : en quoi les vrais évangiles ont-ils besoin de ces écrits mystérieux ? L’Eglise dès le début, dresse l’oreille… Les « faux docteurs » qui se glissent dans les communautés pour corrompre la foi sont traités d’« esprits trompeurs », d’« hypocrites », de « menteurs », de « charlatans », d’« ignorants », d’« orgueilleux », d’« impies », d’« Antéchrists »… le conseil donné dans l’Epître aux Hébreux : « Ne vous laissez pas égarer par des doctrines diverses et étrangères » commandera le destin littéraire des Apocryphes.
L’Eglise tire à boulets rouges sur ces évangiles, et c’est à peine jouer sur le mot ; le canon est un mot grec qui désigne une « règle ».
Au besoin, il peut aussi administrer une volée de coups à qui de droit : ce que feront très proprement Irénée, Origène, Clément d’Alexandrie, Eusèbe, Jérôme et Epiphane…
La bigarrure de la doctrine, l’Eglise ne la supporte pas ; ni la prolifération des écrits pompeusement intitulés « évangiles » qui font, à Jésus, parler étrangement : le premier nom donné ne fut pas « évangiles apocryphes » mais « évangiles étrangers » ; « L’Eglise possède quatre Evangiles, l’hérésie en a une multitude » écrit Origène dans son Homélie sur Luc.
Déjà, avant le foisonnement de cette littérature, elle est aux aguets. Elle a les griffes dehors. Sa riposte est cinglante.
Les Apocryphes ? Une supercherie ! De l’hérésie qui s'accapare du nom glorieux de Jésus pour claironner plus fort ses sottises et « tromper les âmes naïves » comme dit un Père. À bas les sectes, et d’abord la pire de toutes, vu son ampleur, celle des gnostiques : le gnostique considère le corps comme une prison de l’âme ! Ces gens se targuent de présenter des enseignements confidentiels livrés par Jésus à ses meilleurs disciples après la résurrection. Ce caractère secret de la vérité -et tel est le sens premier du mot Apocryphe- s’ouvre au moins franchement de son mensonge : le Jésus de l’apôtre Jean a déclaré au grand prêtre qu’il ne fait pas de mystères. Son message est universel. Pour comble, il va d’abord aux simples !

Ces écrits depuis longtemps ne menacent plus la tradition. Ils gênent un peu à jeter ainsi le soupçon sur des origines chrétiennes que l’on croyait pures. Charles Mopsik écrit : « les Apocryphes révèlent le fond de l’âme chrétienne. » Pas vraiment jolie, la décence voulant qu’elle ne soit pas trop connue, on a étouffé ces livres indiscrets. Et voilà pourquoi ils sont apocryphes !
Alors pourquoi leur trouvons-nous de l’intérêt ?

France Quéré

   
       
   

 

Evangiles apocryphes - Evangile de Thomas,
présenté par France Quéré
Edition du Seuil - Collection Point-sagesse - poche -